dimanche 3 juillet 2022

Equinoxe

 


Le temps se fend comme un fruit
entre obscurité et lumière
et une brume habituelle traîne
au dessus de cette étendue
j'ai parcouru septembre de bout en bout,
pieds nus, de pièce en pièce
portant à la main un couteau bien aiguisé
pour couper tige ou racine ou mèche
les yeux ouverts
aux coquilles d'abalone
flammes des bougies commémoratives
citrons fendus roses couchées
le long de poutres se carbonisant     

Choses belles: : acres mornes de pays développé
à l'image de son nom:

Nulle part marécages détritus brûlés menaçants
en son cœur
orbite métal d'arme sang bleu de minuit et
masques mystifiants je croyais savoir
que l'histoire n'était pas un roman

Ainsi puis-je dire que ce n'était pas moi
fichée comme l'Innocence
qui te trahis
servant (en protestant toujours)
les desseins de mon gouvernement
pensant que nous arriverions à construire un lieu
où la poésie vieille forme subversive
pousse de Nulle part  ici?
où la peau pourrait reposer sur la peau
un lieu « hors limites »

Peux dire que je me suis trompée ?
Être si meurtrie:        dans les organes
écheveaux de la conscience
Encore et encore avons laissé faire
du mal aux autres
broyant le noyau de l'âme
cet ego à la tonalité sourde libéré, essaimant dans le monde
si meurtri :      cœur  spleen
longs rubans enflammés des intestins
le collier vertical de l’épine dorsale oscillant

Avons laissé essaimer
en nous        laissé advenir
comme cela se doit, au plus profond
mais avant ceci :      longtemps avant ceci
ces autres yeux
frontalement se sont exposés, ont parlé

~Adrienne Rich~

°La vie sur la planète est née de la femme.°

« Voici une carte de notre pays :

voici la Mer de l’Indifférence, glacée de sel,

C’est la rivière hantée, coulant des sourcils à l’aine,

nous n’osons pas goûter son eau,

C’est le désert, où des missiles sont plantés comme des bulbes,

C’est le grenier à blé des fermes hypothéquées ».




Adrienne Cecile Rich

Née le 16 mai 1929 à Baltimore dans le Maryland
Morte le 27 mars 2012 à Santa Cruz
Poétesse, essayiste féministe, professeure d'université et théoricienne, militante pour la paix, américaine.

Époux : Alfred Haskell Conrad (m. 1953–1970)
Enfants : Pablo Conrad, David Conrad, Jacob Conrad

Parents : Arnold Rice Rich, Helen Elizabeth Jones Rich
Son père, pétri de culture humaniste, traite Adrienne comme son fils, lui ouvre grand les rayons de sa bibliothèque et lui fait découvrir ses poètes préférés et plus particulièrement William Blake, Dante, Alfred Tennyson et John Keats. Adrienne Rich est encouragée par son père aussi bien pour ses lectures que pour ses premiers écrits. La relation d'Adrienne Rich avec son père sera déterminante pour son éducation et par la suite pour sa carrière littéraire.

Après ses études secondaires au Roland Park School Country de Baltimore, elle est admise au Radcliffe College en 1947, où elle a obtenu son Bachelor of Arts (licence).
La même année, elle publie son premier recueil de poèmes, A Change of World, qui est remarqué par l'écrivain et critique littéraire W. H. Auden, lui permettant d'être la lauréate du "Yale Series of Younger Poets Competition"

En 1953, elle reçoit une bourse de la fondation Guggenheim pour étudier à l'université d'Oxford au Royaume-Uni pendant un an. Après des vacances de Pâques passées à Florence elle décida de ne pas revenir à Oxford et de continuer à découvrir la culture italienne et de se vouer à l'écriture poétique. C'est pendant cette année que se déclareront les premiers symptômes de la polyarthrite rhumatoïde.

Cette même année, elle épouse Alfred H. Conrad, économiste à l'Université de Harvard. Deux ans plus tard, elle publie son deuxième volume de poésie, The Diamond Cutters (Harper & Brothers, 1955), dont Randall Jarrell écrit : « Le poète [derrière ces poèmes] ne peut s'empêcher de nous apparaître comme une sorte de princesse dans un conte de fées. ."

Mais l'image de la princesse de conte de fées ne serait pas de longue durée. Après avoir eu trois fils avant l'âge de trente ans, Rich a progressivement changé sa vie et sa poésie. Tout au long des années 1960, elle a écrit plusieurs recueils, dont Snapshots of a Daughter-in-Law (Harper & Row, 1963) et Leaflets (W. W. Norton, 1969). Elle vit à New York en 1966 et y enseigne à des étudiants de couleur et issus de milieux pauvres.

Déjà engagée pour des réformes sociales et contre le racisme, elle lit James Baldwin et Simone de Beauvoir et s'engage dans le féminisme. Le contenu de son travail est devenu de plus en plus conflictuel, explorant des thèmes tels que le rôle des femmes dans la société, le racisme et la guerre du Vietnam. Le style de ces poèmes a également révélé un passage de modèles métriques prudents à des vers libres.

Sa poésie conserve l’empreinte de son cheminement personnel et politique. Ses poèmes sont, à ses débuts, composés suivant une technique dérivée du montage cinématographique, puis sa voix s’affermit, soutenue par sa détermination à «agir d’emblée et ouvertement comme une femme ayant un corps de femme et une expérience de femme»

En 1970, Rich a quitté son mari, qui s'est suicidé plus tard cette année-là. C'est en 1973, au milieu des mouvements féministes et des droits civiques, de la guerre du Vietnam et de sa propre détresse personnelle, que Rich a écrit Diving into the Wreck (WW Norton), un recueil de poèmes exploratoires et souvent en colère, qui lui a valu le National Book Award en 1974. Rich a accepté le prix au nom de toutes les femmes et l'a partagé avec ses collègues nominés, Alice Walker et Audre Lorde.

Depuis 1976, elle vit avec Michelle Cliff. L'un de ses essais les plus célèbres, Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence2 (1980), expose sa théorie du "continuum lesbien"
À propos du travail de Rich, le poète W.S. Merwin a déclaré: "Toute sa vie, elle a été amoureuse de l'espoir de dire la vérité absolue, et sa maîtrise du langage depuis le début a été étonnamment puissante."

Rich a reçu le prix Bollingen, le Lannan Lifetime Achievement Award, l'Academy of American Poets Fellowship, le Ruth Lilly Poetry Prize, le Lenore Marshall Poetry Prize, le National Book Award et une bourse MacArthur ; elle était également une ancienne chancelière de l'Académie des poètes américains.

En 1997, elle a refusé la Médaille nationale des arts, déclarant que « je ne pouvais pas accepter un tel prix du président Clinton ou de cette Maison Blanche parce que le sens même de l'art, tel que je le comprends, est incompatible avec la politique cynique de cette administration. " Elle a poursuivi en disant: "[L'art] ne signifie rien s'il décore simplement la table du dîner du pouvoir qui le tient en otage."

La même année, Rich a reçu le prix Wallace Stevens de l'Académie des poètes américains pour sa maîtrise exceptionnelle et éprouvée de l'art de la poésie. Elle est décédée le 27 mars 2012, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
Adrienne Rich parle pour ceux qui n’ont pas la parole, par le témoignage ou par la fable; elle rappelle ce qui a été oublié, réinvente la vie des femmes et des hommes là où leur trace a été effacée.

Carrière universitaire
1966-68, professeur à la Columbia University,
1968-72, professeur au City College de New York,
1972-73, professeur à la Brandeis University19
1983-84, professeur au Scripps College (en) de la San Jose State University,
1984-1993, professeur à la Stanford University

lundi 6 juin 2022

jeudi 26 mai 2022

Ne t'Afflige Pas, Hafez !

 


Ne t'afflige pas...
La beauté reviendra te réjouir de sa grâce
La prison de tristesse se changera un jour
En enclos plein de roses

Ne t'afflige pas, cœur souffrant ...
Ton mal se changera en bien
Ne t'attarde pas sur ce qui te trouble,
Cet esprit bouleversé connaîtra de nouveau la paix.

Ne t'afflige pas...
Une fois de plus la vie va régner
Dans le jardin où tu soupires,
Et tu verras bientôt
Ô chantre de la nuit, sur ton front ...
Un rideau de roses !

Ne t'afflige pas si tu ne comprends pas le mystère
de la vie, derrière le voile est caché tant de joie !

Ne t'afflige pas si, pour quelques instants,
Les sphères étoilées ne tournent pas d'accord avec tes désirs ...
La roue du temps ne va pas toujours dans le même sens

Ne t'afflige pas si par amour du sanctuaire
Tu t'avances dans le désert
Et si les épines te blessent

Ne t'afflige pas, mon âme, si le torrent des jours
Fait une ruine de ta demeure puisque tu as l'amour
Pour te sauver de ce déluge

Ne t'afflige pas si le voyage est amer
Et le but invisible ...
Il n'est pas de route qui ne conduise à un but

Ne t'afflige pas Hafiz !
Dans l'humble coin où tu te crois pauvre,
Et dans l'abandon des nuits obscures ...
Puisqu'il te reste et ton chant et ton d'amour !


~ Hafez Shirazi ~


1325-1390

"Pétales de rose éparpillons-nous
Et remplissons la tasse de vin rouge
Les firmaments nous laissent éclater
Et revenir avec une nouvelle conception"

Maître Ghazal

Hafez, de son nom littéraire Chams ad-Din Mohammad Hafez-e Shirazi , est un grand poète, philosophe et un mystique persan né vers 1325 à Chiraz (Iran) et mort à l'âge de 64 ans, probablement en 1389 ou 1390. Il serait le fils d'un certain Baha-ud-Din

Hafez est un mot arabe, signifiant littéralement « gardien », qui sert à désigner les personnes ayant « gardé », c'est-à-dire appris par cœur, l'intégralité du Coran.

Le ghazāl

Shams al-Dīn Muhammad Shīrāzī est le poète persan incontournable dont la spécialité, le ghazāl, lui a valu une renommée internationale. Qu’il ait été auteur prolixe ou que son nom ait été utilisé pour produire des œuvres savantes, nous n’en savons rien car peu d’éléments biographiques et bibliographiques nous sont parvenus. Loin de rebuter l’âme du lecteur, elle se laisse charmer par les flots des vers de son recueil de vers de métrique identique, se terminant par les mêmes mots précédés du même motif rimé.

Le ghazāl est à la fois un style poétique et un genre musical qui apparaît dans la poésie arabe au VIème siècle et dont la renommée atteint son paroxysme entre les XIIIème et XIVeme siècle à Chiraz avec le poète Sa’di Shīrāzī (1210-1291), puis avec la production poétique de Hafez qui inspirera une longue descendance s’étendant sur tous les continents. 

En Europe, le ghazāl persan fait son entrée par le biais de traductions en latin, en allemand, en anglais et en français à la fin du XVIIème siècle. Goethe s’inspire de la traduction des ghazāl de Hafez et le poète romantique Friedrich Rückert (1788-1866), professeur de langues orientales, traduit Hafez et en tire ses Roses Orientales (1822). August von Platen (1796-1835) publie deux livres de Ghasels qui sont ceux dont Franz Schubert (1797-1828) s’inspirera pour certains de ses Leider. Le leid, qui traverse la moitié de l’œuvre du compositeur romantique éprouve une certaine proximité avec le ghazāl. Comme lui, il encense l’essence de l’impermanence, de l’instant et du voyage. Louis Aragon rendra hommage au style avec son poème Ghazel au fond de la nuit paru en 1963.

Le Diwan est l'œuvre lyrique qui contient tous les poèmes de Hafez ; une œuvre mystique qui se trouve chez la majorité des Iraniens.  


Son mausolée est au milieu d'un jardin persan à Chiraz et attire encore aujourd'hui de nombreuses personnes, pèlerins ou simples amoureux de poésie, venues lui rendre hommage.


Poème à retrouver dans mon blog consacré à la poésie en générale ;
Paroles de Poètes, Perles de Vies

Soyez Bénis