Au secret des tentures jusqu’au sol déployées,
D’une balustrade vermeille un charme protégé,
Au cœur desquels ainsi seul s’incarne un reste de printemps.
Air superbe frêle stature,
Toute délicate et gracieuse sa nature apparaît.
Elle patiente que la foule des fleurs soient passée,
D’une bourrasque la rosée à l’aube la pare d’une toilette nouvelle.
En grâce et séduction nouvelle superbe apparence,
Jalousie du vent, sourire de la lune,
Longtemps, elle préserve le sacre du printemps.
Du côté des remparts orientaux,
Sur les chemins méridionaux,
A l’aplomb du soleil elle colore bassins et résidences,
Se bousculent pour s’y rendre les voitures parfumées.
Sur les sièges satinés des convives en ces jours dissipés,
Qui pourra en préserver le pollen odorant ?
On la préférait dans le lustre éclatant du palais impérial,
Quelques tiges d’abord auprès de ce soleil étalées.
Les coupes d’or vidées,
On a consumé jusqu’au bout les chandelles,
Sans se soucier du crépuscule.
Lǐ
Qīng Zhào (1084 – après 1149) :
Sur l’air de « Célébration du matin clair, avec lenteur »

Li Qingzhao, née en 1084, morte vers 1155, est une poétesse
chinoise de l’époque de la dynastie Song. Elle est considérée comme l'un des
maîtres du poème chanté.
Date/Lieu de naissance : 13 mars 1084, QI
Prefecture
Date de décès : 12 mai 1155, Xian de Lin’an
Époux : Zhao Mingcheng
Li Qingzhao, une grande Dame de la littérature chinoise
Héritière d’une tradition d’expression poétique plus que
millénaire, très abondante et de grande qualité. Son lyrisme même est issu du
développement d’une nouvelle forme prosodique, « poème à chanter » ou
odelette à vers irréguliers, qui a permis aux écrivains de l’époque des Song de
donner libre cours à la manifestation plus personnelle de leurs sentiments, le
plus souvent en tonalités élégiaques ; forme poétique aussi dont le grand
écrivain Su Dongpo venait, à la génération précédente, d’étendre la thématique
et de diversifier le style. De tout ceci, la femme cultivée, savante même, qui
a écrit les textes qui suivent et souvent les mélodies qui les accompagnaient,
n’était pas seulement familière : c’en était un expert. Pourtant, son œuvre
tranche sur tout ce qui précède – par la langue, par les images, par les
thèmes, par l’inspiration. Elle tranchera aussi, il faut bien l’admettre, sur
tout ce qui suivra dans le domaine chinois : elle ne trouvera vraiment
d’écho que beaucoup plus tard, dans notre poésie, que son histoire propre
conduira indépendamment dans les mêmes parages quand elle devint moderne, à
partir du milieu du XIXème siècle. La grande poétesse chinoise apparaît donc
surtout dans l’histoire littéraire de sa civilisation comme un grand auteur
singulier.
Née dans une famille aristocratique et cultivée à Jin Nan,
dans l’actuel Shandong. Son père est fonctionnaire au Bureau des Rites, sa mère
est elle-même une poétesse remarquée. Elle bénéficie ainsi d’une éducation à la
fois approfondie et ouverte, et manifeste dès l’adolescence des dons
exceptionnels de composition poétique qui lui valent déjà une certaine
notoriété ; elle sait aussi peindre, composer de la musique et chanter.
Elle épouse en 1101 à dix-huit ans un jeune lettré lauréat des concours, Zhao
Mingcheng, passionné d’épigraphie et de poésie, dont le père deviendra premier
ministre, et qui se trouve employé à Kaifeng, la capitale des Song.
Mais l’attaque des Jin en 1126 les contraint à s’enfuir vers
le sud où elle perd son époux.
Elle passera la fin de sa vie dans l’errance et la pauvreté. On ne connaît même
pas la date de sa mort : les indications varient largement d’un ouvrage à
l’autre.
Durant sa vie sept volumes de poèmes réguliers et de prose,
et la partie la plus remarquable de son œuvre : six volumes, odes à vers
irréguliers. De tout ceci, il ne nous est parvenu que quelques lambeaux. De
l’œuvre en prose, trois textes : le bref traité sur les odes, la postface
au Catalogue des inscriptions sur pierre et bronze, et une lettre.
De l’œuvre poétique, outre quelques fragments de vers isolés, une quinzaine de 詩
et une cinquantaine de 詞. Ce sont ces derniers dont on
trouvera la quasi-intégralité ci-contre.