dimanche 29 décembre 2024

Peinture & Poésie

"La peinture est une poésie muette
et la poésie une peinture parlante."


Marie-Philippe Commetti


samedi 7 décembre 2024

Balades de Li Qingzhao

 



"La nuit dernière, la pluie était fine et le vent violent,

Un profond sommeil n'a pas dispersé un reste d'ivresse.

Je demande à ma servante d'enrouler le rideau,

Elle me dit que le pommier d'amour est comme avant.

En es-tu sûre ?

En es-tu sûre ?

C'est obligé : quand le vent prospère, le rouge s'efface."


"De la neige encore ! Et pourtant je sais 

Que le printemps est déjà là. 

Les fins rameaux du prunier 

S'ornent de boutons veloutés 

Couleur jade. 

A peine éclos, odorants, gracieux, 

Au milieu du jardin, 

Ils luisent comme des belles 

Qui sortent toutes fraîches

 De leur bain."

"Au ciel, le Créateur, 

Peut-être à dessein, 

A prié la lune de briller 

D'un éclat fastueux. 

Remplissons nos calices d'or 

Jusqu'au bord 

De ce vin nouveau 

Et buvons sans crainte 

De nous enivrer

Car ce soir nous célébrons 

La plus belle des fleurs."

"Un oiseau d'or brille

Dans ma haute chevelure. 

Mes sourcils se froncent

Dans la brume légère du printemps. 

La beauté du lotus s'étiole 

Dans le pavillon embaumé. 

Sur le dessin du paravent s'estompent 

Les chaînes étagées des montagnes."

"L'arrivée de l'aube glace 

Le rebord de la fenêtre. 

La boucle en forme de cœur 

Sur ma taille 

Reste fermée. 

Mes larmes, emportant le fard,  

Ont taché la soie de ma robe. 

Mon amour, quand seras-tu de retour ?" 


Li Qingzhao


Nationalité : Chinoise

Date/Lieu de naissance : 13 mars 1084, QI Préfecture

Date de décès : 12 mai 1155, Xian de Lin'an

Li Qingzhao, née en 1084 dans le Shandong et morte vers 1155, est une poétesse chinoise de l’époque de la dynastie Song. Elle est considérée comme l'un des maîtres du poème chanté ci.

Li Qingzhao est une poétesse chinoise de l’époque de la dynastie Song. Elle est considérée comme l'un des maîtres du poème chanté ci.

Li Qingzhao est l'auteur de soixante poèmes chantés (ci), de dix-neuf poèmes classiques (shi) et de deux fu. Au travers de son œuvre poétique, toute consacrée à son mari, et notamment à son souvenir après la mort de celui-ci, Li Qingzhao est l'image même du personnage de la veuve inconsolable. Son désespoir a fait de Li Qingzhao l'un des plus grands poètes des Song 

« La biographie de la poétesse Li Qingzhao (李清照) n'est pas seulement fascinante d'un point de vue individuel. Elle se fait aussi l'écho de la destinée collective. Depuis sa jeunesse émancipée, jusqu'à l'issue tragique de son histoire d'amour improbable, en passant par la maturation de sa production artistique, ce sont en effet tous les épisodes de sa vie (1084-1155 ?) qui s'enchevêtrent avec l'acmé puis la chute de la brillante dynastie des Song du nord. En ce sens, la puissance d'évocation des vers de Li Qingzhao nous offre le miroir d'une civilisation splendide prise dans la tourmente de l'histoire. » Arnaud Rosset


vendredi 29 novembre 2024

L'immortelle Poésie


"Ce n'est pas l'amour qui permet au cœur de battre
Ce sont des cellules musculaires
Mais c'est la poésie, l'immortelle poésie,
l'indéfectible poésie, l'inaltérable et légère poésie du monde
Qui a fait de l'amour le moteur du cœur des hommes."


Baptiste Beaulieu,
Médecin généraliste et romancier français


jeudi 14 novembre 2024

Tanka Immortel

 


Pensant à lui,
Je me suis endormie
Et l’ai vu apparaitre
Si j’avais su que ce n’était qu’un rêve,
Je n’aurais jamais dû me réveiller.

✾✾✾

Je suis si seul
Mon corps est une herbe flottante
Coupée à la racine.
S’il y avait de l’eau pour me séduire,
je la suivrais, je pense.

✾✾✾

Comment invisiblement
elle change de couleur
dans ce monde,
la fleur
du cœur humain.

✾✾✾

Les coloris des fleurs
ont bel et bien passé
En pure perte
ma vie coule en ce monde
dans le temps d’une longue averse

✾✾✾

Les fleurs fanées
Leur couleur s’est estompée,
Alors que sans signification
Je passais mes journées à ruminer,
Et les longues pluies tombaient.

✾✾✾

Ono no Komachi



Nationalité : Japon
Né(e) le : vers 825
Mort(e) le : vers +/- 900


Le destin d’Ono no Komachi, poétesse immortelle du Japon

Parmi les femmes importantes ayant marqué l’histoire du Japon, existe une poétesse dont l’influence a traversé les siècles, afin de nous enivrer de son art subtil et délicat, empreint à la fois de mélancolie, mais aussi d’érotisme.  Considérée comme l’une des Rokkasen (六歌仙), à savoir les six poètes dont l’œuvre restera immortelle pour les Japonais qui évoluèrent tous à la même période, autour du IXeme siècle durant l’ère Heian (平安時代, Heian-jidai, 794-1185). C’est précisément à cette époque que la poésie japonaise prendra une nouvelle tournure avec l’apparition des Waka (和歌), et de sous-genre le Tanka (短歌), dont l’œuvre d’Ono no Komachi reste à l’heure actuelle l’une des plus emblématiques.

Sa naissance se situerait aux alentours de 820-830 après J.-C. dans l’actuelle préfecture d’Akita, dans le nord du Japon. Les légendes louent sa beauté que l’on disait exceptionnelle. Jusqu’à notre époque, il est dit au Japon que de tout l’archipel, ce sont les femmes d’Akita les plus belles, au point d’avoir même un terme pour les décrire : les « Akita bijin » (秋田美人) caractérisées par leurs visages ronds, leurs voix aiguës et leur peau claire, qui nous, le rappelons, est un véritable synonyme de beauté sous ces latitudes à l’époque, en attestent les nombreuses jeunes femmes porteuses d’ombrelles dépeintes dans les Ukiyo-e antiques et dont vous pouvez même encore croiser le chemin aujourd’hui. Notre poétesse du jour pourrait bien en être l’ambassadrice.

La légende l’entourant lui confère une armée de courtisans, tentant de s’arracher le cœur de la belle lettrée, qu’elle n’hésitait pas à malmener plus ou moins au gré de ses désirs. L’histoire la plus connue est celle de Fukakusa no Shōshō, un courtisan de haut rang tombé éperdument amoureux d’Ono no Komachi. Mais celle-ci, bien qu’à son tour charmée par le beau et vigoureux jeune homme, lui proposa un défi auquel il devrait se tenir sans faillir afin d’obtenir le privilège de devenir son amant : celui-ci devait venir lui rendre visite durant 100 nuits, sans jamais discontinuer et ce qu’il pleuve, qu’il neige où qu’il vente. Évidemment, sans jamais poser les mains sur elle, au risque de tout perdre. Conquérir une si élégante dame ne doit pas être tâche facile !

Et voici que notre prétendant s’attelle minutieusement à ses travaux Herculéens durant des jours et des nuits, sans jamais faillir à sa promesse ! Mais les choses n’allaient pas se passer comme dans un conte de fées. Par un malheureux jeu du sort, lors de la 99e nuit, le destin frappa notre amoureux éperdu. Ses escapades nocturnes, pour aller conter ritournelle à sa belle au si doux regard, se soldèrent par sa mort aussi tragique que soudaine, enseveli sous la neige.

On dit que la poétesse ne se serait jamais remise de cette perte atroce. Peut-être même ce cœur brisé alimenta son talent pour l’écriture. Cette histoire est rapportée dans une pièce de Nō s’intitulant « Kayoi Komachi »(通小町). Un classique japonais.

La légende raconte qu’elle mourut à un âge très avancé, autour des cent ans. Comme une punition pour son comportement odieux envers ses courtisans, Ono no Komachi eut à subir durement les affres de la vieillesse et la décrépitude de sa beauté s’évanouissant au gré des saisons et du temps passant inexorablement. Elle aurait fini ses jours, errante en guenille, demandant l’aumône par ci, par-là, mais surtout moquée de tous ceux qui croisaient cette pathétique vieille dame errante autrefois si vaniteuse. Ceux-là ne savaient donc t’ils pas qu’ils se moquaient d’une future légende ?

Le Tanka est caractérisé par ses règles très strictes : il se construit traditionnellement sur 5 lignes, suivant une structure en 31 syllabes ou sons, séparés d’une première partie en tercets (2 vers) en 5-7-5 syllabes (17 mores), et d’une deuxième, diptyque (2 vers) en 7-7 syllabes (14 mores), qui peuvent dans certains cas être inversés. Enfin, le tout suit une logique d’expression extrêmement codifiée : la première partie pose le contexte, et la deuxième exprime le ressenti du poète, bien que cette règle peut être transgressée ponctuellement.


Source ; https://japanization.org/

jeudi 10 octobre 2024

L'art du Mot


"Il est un art - l'art du mot

Qui ne connaît pas de limites :

la poésie."

Ivan Gontcharov, écrivain russe


mercredi 18 septembre 2024

Sur la Pivoine

 


Au secret des tentures jusqu’au sol déployées,
D’une balustrade vermeille un charme protégé,
Au cœur desquels ainsi seul s’incarne un reste de printemps.

Air superbe frêle stature,
Toute délicate et gracieuse sa nature apparaît.
Elle patiente que la foule des fleurs soient passée,
D’une bourrasque la rosée à l’aube la pare d’une toilette nouvelle.

En grâce et séduction nouvelle superbe apparence,
Jalousie du vent, sourire de la lune,
Longtemps, elle préserve le sacre du printemps.

Du côté des remparts orientaux,
Sur les chemins méridionaux,
A l’aplomb du soleil elle colore bassins et résidences,
Se bousculent pour s’y rendre les voitures parfumées.

Sur les sièges satinés des convives en ces jours dissipés,
Qui pourra en préserver le pollen odorant ?
On la préférait dans le lustre éclatant du palais impérial,
Quelques tiges d’abord auprès de ce soleil étalées.

Les coupes d’or vidées,
On a consumé jusqu’au bout les chandelles,
Sans se soucier du crépuscule.

Lǐ Qīng Zhào (1084 après 1149) :
Sur l
air de « Célébration du matin clair, avec lenteur
»


Li Qingzhao, née en 1084, morte vers 1155, est une poétesse chinoise de l’époque de la dynastie Song. Elle est considérée comme l'un des maîtres du poème chanté.

Date/Lieu de naissance : 13 mars 1084, QI Prefecture

Date de décès : 12 mai 1155, Xian de Lin’an 

Époux : Zhao Mingcheng 

Li Qingzhao, une grande Dame de la littérature chinoise

Héritière d’une tradition d’expression poétique plus que millénaire, très abondante et de grande qualité. Son lyrisme même est issu du développement d’une nouvelle forme prosodique, « poème à chanter » ou odelette à vers irréguliers, qui a permis aux écrivains de l’époque des Song de donner libre cours à la manifestation plus personnelle de leurs sentiments, le plus souvent en tonalités élégiaques ; forme poétique aussi dont le grand écrivain Su Dongpo venait, à la génération précédente, d’étendre la thématique et de diversifier le style. De tout ceci, la femme cultivée, savante même, qui a écrit les textes qui suivent et souvent les mélodies qui les accompagnaient, n’était pas seulement familière : c’en était un expert. Pourtant, son œuvre tranche sur tout ce qui précède – par la langue, par les images, par les thèmes, par l’inspiration. Elle tranchera aussi, il faut bien l’admettre, sur tout ce qui suivra dans le domaine chinois : elle ne trouvera vraiment d’écho que beaucoup plus tard, dans notre poésie, que son histoire propre conduira indépendamment dans les mêmes parages quand elle devint moderne, à partir du milieu du XIXème siècle. La grande poétesse chinoise apparaît donc surtout dans l’histoire littéraire de sa civilisation comme un grand auteur singulier.

Née dans une famille aristocratique et cultivée à Jin Nan, dans l’actuel Shandong. Son père est fonctionnaire au Bureau des Rites, sa mère est elle-même une poétesse remarquée. Elle bénéficie ainsi d’une éducation à la fois approfondie et ouverte, et manifeste dès l’adolescence des dons exceptionnels de composition poétique qui lui valent déjà une certaine notoriété ; elle sait aussi peindre, composer de la musique et chanter. Elle épouse en 1101 à dix-huit ans un jeune lettré lauréat des concours, Zhao Mingcheng, passionné d’épigraphie et de poésie, dont le père deviendra premier ministre, et qui se trouve employé à Kaifeng, la capitale des Song.

Mais l’attaque des Jin en 1126 les contraint à s’enfuir vers le sud où elle perd son époux.
Elle passera la fin de sa vie dans l’errance et la pauvreté. On ne connaît même pas la date de sa mort : les indications varient largement d’un ouvrage à l’autre.

Durant sa vie sept volumes de poèmes réguliers et de prose, et la partie la plus remarquable de son œuvre : six volumes, odes à vers irréguliers. De tout ceci, il ne nous est parvenu que quelques lambeaux. De l’œuvre en prose, trois textes : le bref traité sur les odes, la postface au Catalogue des inscriptions sur pierre et bronze, et une lettre. De l’œuvre poétique, outre quelques fragments de vers isolés, une quinzaine de et une cinquantaine de . Ce sont ces derniers dont on trouvera la quasi-intégralité ci-contre.

vendredi 6 septembre 2024

Pouvoir Créateur


° Douce poésie !
Le plus beau des arts !
Toi qui, suscitant en nous le pouvoir créateur,
nous met tout proches de la divinité.°

•★•

~ Guillaume Apollinaire ~

Support ; Danny Hahlbohm

samedi 24 août 2024

La Nudité et le Corps

 


La théologie médiévale distinguait en morale quatre significations symboliques de la nudité : nuditas naturalis, l’état naturel de l’homme, qui engage à l’humilité ; nuditas temporalis, le manque de biens terrestres, qui peut être volontaire (comme chez les Apôtres ou les moines), ou provoqué par la pauvreté ; nuditas virtualis, symbole d’innocence (de préférence une innocence acquise au moyen de la confession) ; et nuditas criminalis, signe de débauche, de vanité, d’absence de toutes les vertus.

« Nuditas naturalis » figure en des scènes de la Genèse, en des Jugements derniers, en des représentations d’âmes quittant leurs corps et de sauvages (outre, bien sûr, les scènes de martyre et les illustrations scientifiques).

La nuditas naturalis est présente dans le Jeu d’Adam et dans les écrits de l’abbesse Hrotsvita. La nudité d’Adam et Eve doit évidemment être considérée comme un état positif puisqu’elle concerne les premiers humains encore libres du péché originel. C’est sans doute pourquoi le texte insiste sur la magnificence du costume qui symbolise cette nudité, en contraste fort avec celui que les personnages revêtent ensuite. Figura qui parle pour Dieu, insiste sur cette déchéance :

Ici avront les cors eissil,
Les aimes en emfern peril.
(v. 507-508)

Ici devant Eissil,
Les objectifs en péril.

Les corps se montrent mal à l’aise dans le monde terrestre où Adam et Eve se voient désormais confinés. Le contraste est d’autant plus saisissant quand l’ange apparaît alors sur scène :

Intérim veniet angelus albis indutus, ferens radientem gladium in manu, quem statuet Figura ad portam paradisi.

Pendant ce temps, un ange viendra vêtu de blanc, portant une épée brillante à la main, qu'il dressera en figure à la porte du paradis.

Dans les textes de Hrotsvita au contraire, la palme du martyre revient aux jeunes filles sacrifiées et blessées dans leur corps :

Ideo rogamus solui retinacula animarum, quo extinctis corporibus tecum plaudant in aethere nostri spiritus. Melius est ut corpus quibuscumque iniuriis maculentur, quam anima idolis polluantur.

C'est pourquoi nous ne demandons qu'aux réseaux d'âmes, afin que nos esprits puissent applaudir avec vous dans l'éther avec leurs corps éteints. Il vaut mieux que le corps soit souillé par toutes sortes d'injures, plutôt que l'âme soit souillée par des idoles.

Dans ce cas, le corps est d’emblée présenté comme négatif, opposé à une âme (spiritus ou anima) positive. On comprend dès lors combien il doit demeurer caché par des vêtements que même le feu ne parvient pas à effacer : la nudité ne serait qu’une représentation extrême du corps vicié, une nuditas criminalis selon les termes d’Erwin Panofsky.

En fait, ce type de nudité n’est jamais mentionné dans les textes, même pour des personnages négatifs : leurs propos ou leurs gestes suffisent aux yeux des spectateurs. De même, la nuditas temporalis reste a priori négative dans les drames liturgiques mais elle ne se manifeste jamais par une dénudation (fût-elle métaphorique) du corps.

Ne reste donc que la nuditas virtualis, « symbole d’innocence », précisément celle que le personnage du Christ incarne dans les textes, d’où leur insistance sur les pieds nus du personnage : d’après la théologie chrétienne, c’est effectivement par le Christ que l’humanité retrouve sa pureté originelle, par lui le corps est réhabilité. C’est précisément ce qu’annoncent les prophètes du Jeu d’Adam, comme ici Jérémie :

Ovec vus serra, cum homme mortals,
Li sires, le celestials.
Adam trara de prison,
Son cors dorra por rançon.
(v. 873-876)

Tu as vu des moutons, tels des hommes mortels
Les pères, les célestes.
Adam sortira de prison,
Son cœur souffre de rançon.

Avec la réhabilitation du corps par le Christ même, qui en fait un instrument du salut pour l’humanité, la question du vêtement ne se pose plus dans les mêmes termes. Après la Résurrection, l’innocence retrouvée permet les représentations du Christ en partie dénudé et, bien que cette pureté retrouvée reste très dépendante du phénomène de « refoulement » dont Leo Steinberg a parlé, l’absence (très partielle) de vêtement désigne un principe supérieur.

Le théâtre naissant met en place une série de conventions dramatiques, en particulier celles qui concernent la mise en scène du corps, les acteurs et leur costume. Ce premier théâtre, issu de l’Eglise et souvent d’abord en latin, rend compte de la complexité du message chrétien. La vision de la nudité y est moralement condamnable bien que l’Incarnation du Christ et la promesse de la résurrection des corps lui redonnent parfois son innocence première, mais dans tous les cas, elle n’apparaît que discrètement, souvent voilée par des vêtements qui la signifient.

Hrotsvita de Gandersheim


930 et 935 – après 973

Religieuse de Saxe, Hrotsvita de Gandersheim (entre 930 et 935 – après 973) écrit en latin des œuvres spirituelles ou historiques, et six des rares pièces de théâtres composées au Moyen Âge. Elle est considérée comme la première autrice germanique.

La vie de Hrotsvita de Gandersheim est mal connue, les principales sources en étant ses propres écrits. Concernant sa date de naissance, elle indique ainsi dans son poème historique « Carmen de Primordiis Coenobii Gandersheimensis » qu’elle vient au monde longtemps après le décès du duc de Saxe Otton Ier de Saxe, mort en 912. Sa naissance est estimée entre 930 et 935, au sein d’une famille de la noblesse saxonne. Elle naît dans le duché de Saxe, au sein du royaume de Germanie.

Instruite et cultivée, Hrotsvita est peut-être formée aux côtés de Brunon, petit frère du roi de Germanie Otton, qui deviendra le premier empereur du Saint-Empire romain germanique. Elle est l’élève de Gerberge, fille du duc Henri de Bavière, qui devient abbesse de l’abbaye de Gandersheim en 949, aujourd’hui en Basse-Saxe en Allemagne. À l’époque, l’abbaye, comprenant un lieu d’accueil des voyageurs, un hôpital, une bibliothèque et une école, est un véritable lieu de savoir et de diffusion de la culture ; de nombreuses familles nobles y envoient leurs enfants afin qu’ils y soient éduqués.

Ses écrits laissent supposer qu’elle ne prend pas le voile immédiatement, mais qu’elle possède une certaine expérience de la vie laïque. Quoiqu’il en soit, Hrotsvita commence ses premières œuvres littéraires dans les années 950 – 960. À la demande d’abbesse Gerberge, elle rédige la Gesta Oddonis, une source très importante sur le règne des rois germaniques Ottoniens depuis 919.

Hrotsvita de Gandersheim travaille également à retracer l’histoire de l’abbaye, fondée en 852 par le comte de Saxe Liudolf et sa femme Oda après un pèlerinage à Rome. En plus de six cents vers, les Primordia coenobii Gandeshemensis s’attachent à valoriser l’abbaye, face à la montée de sa rivale voisine de Quedlinbourg. La religieuse compose également des vies de saints, tels que Agnès de Rome, Pélage de Cordoue ou encore Denis de Paris. Divisant son œuvre en trois livres, Hrotsvita compile ses hagiographies dans son Livre des légendes, intégré à son Liber Primus (Livre Premier).

Au sein de l’œuvre de Hrotsvita de Gandersheim, la plus grande originalité réside dans ses pièces de théâtre, GallicanusDulcitiusCallimachusAbrahamPaphnutius et Sapientia. Inspirée par le poète antique Térence, qu’elle a lu pendant ses études à l’abbaye, Hrotsvita s’approprie un genre presque oublié depuis l’Antiquité. Mettant en scène des héroïnes plutôt attachantes, elle parle d’amour et de chasteté, de miracles et d’interventions divines, avec un ton parfois humoristique et étonnamment moderne.

Hrotsvitha sait que, en tant que femme, son œuvre sera moins prise au sérieux que si elle émanait d’un homme. Elle-même ne semble pas remettre en question l’opinion de son temps, voulant que les femmes soient moins aptes à l’écriture que les hommes. Pour appuyer sa légitimité d’autrice, elle fait valoir qu’elle est une exception, inspirée par Dieu. Elle indique qu’elle « met de côté la faiblesse féminine et invoque dans son cœur prudent une force virile ».

On ne connait pas plus les circonstances ou la date de la mort de Hrotsvita de Gandersheim que celle de sa naissance ; elle meurt en tous cas après 973. Ses œuvres sont oubliées au Moyen Âge, puis redécouvertes et rééditées vers 1494. Considérée comme la première écrivaine germanique, elle fait partie des rares autrices du Moyen Âge.

 

"Une prière fervente est plus efficace que toute la présomption humaine."

Hrotsvita de Gandersheim - Gallicanus (Xe s. ap. J.-C.)

Sources ; https://histoireparlesfemmes.com/

vendredi 9 août 2024

Racontars



° La poésie est la plus haute expression permise à l'homme.
Il est normal qu'elle ne trouve plus aucune créance
dans un monde qui ne s'intéresse qu'aux racontars.°

•★•

~ Jean Cocteau ~

Support ; Saatchi Art

jeudi 1 août 2024

De l’Impératrice Eudocia

 


Dans ma vie, j’ai vu bien des merveilles en nombre infini,
mais qui pourrait, noble Chaudière, eût-il mille bouches,
dire ta force, puisqu’il n’est qu’un mortel sans valeur ?
Il convient de t’appeler plutôt nouvel océan de feu,
péan et source de vie, dispensateur de flots de miel.
C’est de toi que naît le flot sans fin, de ci et de là,
bouillant par ici, froid et tiède par là.
Ta beauté, tu la répands en quatre tétrades de sources :
l’Indienne et la Matrone, Repentinus et saint Élie,
Antonin le Bon, la fraîche Galatie ; et voici Hygie,
les grands bains tièdes, et les petits bains tièdes ;
la Perle, l’ancienne Étuve, l’Indienne et une seconde Matrone,
Briarée et les sources du Patriarche et de la Nonne.
À ceux qui souffrent, tu apportes sans cesse ta force puissante,
Mais je veux chanter plutôt le Dieu de Sagesse …
pour le bienfait des mortels …

Eudocia


Eudocie, parfois orthographié Eudoxie, née vers 400 et morte en 460, est une impératrice byzantine et une femme de lettres du Vᵉ siècle. 

Originaire d’Athènes, fille du rhéteur Léontios ou du philosophe Héraclite, d'une éducation païenne, fortement imprégnée de philosophie, elle était non seulement familière des lettres et de la rhétorique grecques et latines, mais aussi férue d’astronomie, de géométrie et d’arithmétique. Son nom de naissance est Athénais.

Grâce à l’entremise de Pulchérie, la sœur de l’empereur Théodose II, qui compatit aux malheurs de la jeune fille déshéritée par son père au profit de ses frères, et qui avait remarqué ses qualités, elle épousa l’empereur Théodose II, le 7 juin 421, après avoir, raison d’État oblige, reçu le baptême sous le nom d’Aelia Licinia Eudocia (nom sous lequel elle est parfois citée).

En 438, elle effectua un pèlerinage à Jérusalem, suite à un vœu à l’occasion du mariage de sa fille, où elle restera jusqu’à sa mort en 460, en exil plus ou moins volontaire, suite à ses sympathies monophysites ou suite à des accusations mensongères d’infidélité (cf. T. 6). Selon Schoell, cette princesse avait été justement dégoûtée de Théodose, depuis que ce prince, faible et soupçonneux au dernier point, avait fait assassiner Paulin, son ministre, son ami, et l'ami de la princesse.

Elle laisse quelques écrits : Un poème en l’honneur de Théodose II pour sa victoire sur les Sassanides ; 
Trois livres sur le martyre de saint Cyprien de Nicomédie ;
Un éloge d’Antioche ;
Un discours prononcé dans cette ville ;
Une paraphrase de l'Octateuque et des prophètes Zacharie et Daniel ;
Le complément des Centons homériques de Patricius.

Le poète vénitien Apostolo Zeno a tiré de l'histoire d'Eudocie la trame du livret d'Atenaïde, opera seria mis en musique par Antonio Vivaldi.

lundi 8 juillet 2024

La Nature



La nature est éternellement jeune, belle et généreuse.
Elle verse la poésie et la beauté à tous les êtres,
à toutes les plantes, qu'on laisse s'y développer.

- George Sand -

 

samedi 1 juin 2024

Tablettes Romaines

 

PHOTOGRAPHIE DE CM DIXON

Les plus célèbres tablettes de Vindolanda ont été produites vers l’an 100 de notre ère par une femme du nom de Claudia Severa, femme du commandeur d’un fort voisin. Dans celles-ci, elle invite Sulpicia Lepidina, femme du commandeur d’une cohorte à Vindolanda, à son anniversaire :

« Le bonjour de Claudia Severa à sa chère Lepidina. »

« Le troisième jour des ides de septembre (11 septembre), ma sœur, je souhaite sincèrement que tu puisses venir chez nous pour mon anniversaire. Par ta présence, tu me rendras ce jour encore plus agréable si tu viens. Donne le bonjour à ton cher Cérialis. Mon Aelius et mon petit garçon te saluent. »

Ce début a probablement été écrit par un ou une esclave.


Toujours est-il, à la manière d’un post-scriptum, Claudia Severa a ajouté de sa main (l’écriture est différente) : 

« Je compte sur toi ma sœur ». « Porte-toi bien ma sœur, ma chère âme, puissé-je aussi me bien porter, ma chérie. Je te donne le bonjour »


Claudia Severa était une femme romaine alphabétisée, l'épouse d'Aelius Brocchus, commandant d'un fort non identifié près du fort de Vindolanda dans le nord de l'Angleterre.

Il y a 1 900 ans, Claudia Severa invitait Sulpicia Lepidina. Il s’agit de l’un des plus anciens exemples connus d’une femme écrivant en latin.


samedi 25 mai 2024

Vivre en Poésie



°Vivre en poésie, ce n'est pas renoncer ;
C'est se garder à la lisière de l'apparent et du réel,
Sachant qu'on ne pourra jamais
réconcilier, ni circonscrire.°
 

Andrée Chedid 

samedi 16 mars 2024

Epigramme de Moerô




Ζεὺς δ' ἄρ' ἐνὶ Κρήτῃ τρέφετο μέγας, οὐδ' ἄρα τίς νιν
ἠείδει μακάρων· ὁ δ' ἀέξετο πᾶσι μέλεσσι.
Τὸν μὲν ἄρα τρήρωνες ὑπὸ ζαθέῳ τράφον ἄντρῳ
ἀμβροσίην φορέουσαι ἀπ' Ὠκεανοῖο ῥοάων·
νέκταρ δ' ἐκ πέτρης μέγας αἰετὸς αἰὲν ἀφύσσων
γαμφηλῇς φορέεσκε ποτὸν Διὶ μητιόεντι.
Τῷ καὶ νικήσας πατέρα Κρόνον εὐρύοπα Ζεὺς
ἀθάνατον ποίησε καὶ οὐρανῷ ἐγκατένασσεν.
Ὣς δ' αὔτως τρήρωσι πελειάσιν ὤπασε τιμήν,
αἳ δή τοι θέρεος καὶ χείματος ἄγγελοί εἰσιν.

Or le grand Zeus était élevé en Crète, mais chez les Bienheureux
personne ne le savait ; et ses membres grandissaient harmonieux.
De craintives colombes le nourrissaient dans l’antre divin
d’ambroisie qu’elles lui rapportaient des flots océaniens ;
un grand aigle puisant le nectar sans relâche à un rocher
dans son bec apportait la boisson à Zeus aux sages pensers.
Et quand il eut vaincu Kronos son père, Zeus le tout voyant
le rendit immortel et lui accorda une place au firmament.
Aux craintives Pléiades il accorda même honneur, car ce sont
elles qui annoncent la belle comme la mauvaise saison.


Κεῖσαι δὴ χρυσέας ὑπὸ παστάδι τᾷδ' Ἀφροδίτας
βότρυ, Διωνύσου πληθόμενος σταγόνι·
οὐδ' ἔτι τοι μάτηρ ἐρατὸν περὶ κλῆμα βαλοῦσα
φύσει ὑπὲρ κρατὸς νεκτάρεον πέταλον.


Te voici suspendue sous le portique doré du temple d’Aphrodite,
grappe, toute remplie de la liqueur de Dionysos ;
la vigne, ta mère, ne t’enveloppera plus de ses gracieux rameaux
et ne déploiera plus sur ta tête son feuillage nectaréen.


Νύμφαι Ἀνιγριάδες, ποταμοῦ κόραι, αἳ τάδε βένθη
ἀμβρόσιαι ῥοδέοις στείβετε ποσσὶν ἀεί,
χαίρετε, καὶ σῴζοιτε Κλεώνυμον, ὃς τάδε καλὰ
εἵσαθ' ὑπαὶ πιτύων ὔμμι, θεαί, ξόανα.

Nymphes forestières, filles de la rivière, divinités qui foulez
ces bois de vos pieds de rose, sans repos,
salut ; protégez Cléonymos qui vous a consacré
à l’ombre de ces pins, déesses, ces belles statues.

Moîro



Moïro, Moerô ou Myro (en grec ancien Μοιρώ / Moirố) est une poétesse grecque du III av. JC.

Moïro a vécu à Byzance. Elle est l'épouse d'Andromaque le Philologue et la mère de Homère le Tragique.

Moïro est l'auteur de poèmes en hexamètres (hymne à Poséidon, Imprécations, Mnémosynê...), d'épigrammes et de poésies diverses. Athénée la cite comme ayant été victime d'un plagiat :

« “On ne voit approcher de là ni des volatiles, ni les πέλειαι tremblantes, qui portent l'ambroisie à Jupiter1.” Or, il ne faut pas croire qu'il s'agit de pigeons (peleiades) qui portent l'ambroisie à Jupiter, comme plusieurs se le sont imaginé ; ce qui ne serait pas digne de sa majesté ; mais il faut l'entendre des pléiades. [...] Mœro de Byzance est la première qui a bien saisi l'idée des vers d'Homère, lorsqu'elle écrivait, dans son ouvrage intitulé La Mémoire, ou Mnémosyne, que c'étaient les Pléiades qui portaient l'ambroisie à Jupiter. Cratès, le critique, s'étant approprié l'idée de cette femme, a publié, comme lui appartenant à lui-même, ce qu'elle avait dit. »

Deux épigrammes de Moïro ont été conservées par l'Anthologie Palatine (livre VI, poèmes 119 et 189).

Antipatros de Thessalonique la range au nombre des neuf muses terrestres.

Source : https://wikimonde.com/



vendredi 1 mars 2024

Elle Ravit


"La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. "

Montaigne

vendredi 9 février 2024

Anthologie d'Anyté


Πολλάκι τῷδ' ὀλοφυδνὰ κόρας ἐπὶ σάματι Κλεινὼ
μάτηρ ὠκύμορον παῖδ' ἐβόασε φίλαν,
ψυχὰν ἀγκαλέουσα Φιλαινίδος, ἃ πρὸ γάμοιο
χλωρὸν ὑπὲρ ποταμοῦ χεῦμ' Ἀχέροντος ἔβα.

« Souvent sur cette tombe, de jeune fille, Cleino, la mère
appelle éplorée son enfant chérie trop vite enlevée,
invoquant l'âme de Philainis qui, avant l'hyménée,
a franchi les pâles eaux du fleuve Achéron. »

— Anthologie palatine, livre vii, 486 (trad. Fr. Jacobs)


Ὤλεο δήποτε, Μαῖρα, πολύρριζον παρὰ θάμνον,
Λοκρὶ, φιλοφθόγγων ὠκυτάτη σκυλάκων,
τοῖον ἐλαφρίζοντι τεῷ ἐγκάτθετο κώλῳ
ἰὸν ἀμείλικτον ποικιλόδειρος ἔχις.

« Tu es donc morte, ô Maera, près d'un buisson épais,
jeune Locrienne, la plus rapide des chiennes aux voix aimées.

Qu'il était subtil et funeste, le poison qu'injecta
dans ta patte légère une vipère au cou tacheté ! »

— Anthologie palatine, appendice, 6 (trad. Fr. Jacobs)


Ξεῖν', ὑπὸ τὰν πτελέαν τετρυμένα γυῖ' ἀνάπαυσον·
ἁδύ τοι ἐν χλωροῖς πνεῦμα θροεῖ πετάλοις·
πίδακά τ' ἐκ παγᾶς ψυχρὰν πίε· δὴ γὰρ ὁδίταις
ἄμπαυμ' ἐν θερινῷ καύματι τοῦτο φίλον.

« Passant, sous ce rocher repose tes membres fatigués ;
un doux zéphyr y murmure à travers le feuillage.
Bois à cette source dont l'eau jaillit pure et fraîche.
Certes, ce lieu de repos doit être, par une chaleur brûlante,
bien agréable aux voyageurs. »

— Anthologie palatine, xvi, 228 (trad. Fr. Jacobs)


Ἀκρίδι, τᾷ κατ' ἄρουραν ἀηδόνι, καὶ δρυοκοίτᾳ
τέττιγι ξυνὸν τύμβον ἔτευξε Μυρώ,
παρθένιον στάξασα κόρα δάκρυ· δισσὰ γὰρ αὐτᾶς
παίγνι' ὁ δυσπειθὴς ᾤχετ' ἔχων Ἀίδας.

Au grillon, ce rossignol des labours, et à la cigale
qui hante les chênes, Myro a bâti un tombeau égal,
et la fillette a versé une larme virginale ; car ses deux jouets,
l’implacable Hadès les a emportés.

 Art ; 

(1) Photo de Kwiat 

(2) Statue en mémoire d'un chien

(3) Statue Central Park

(4) Curated Collection ~ Anne Geddes

samedi 13 janvier 2024

L'Amour et la Poésie

 



L'amour n'existe que dans l'imaginaire collectif.
Ce n'est que de la prose.
Seule la poésie est amour, passion même,
car le mot s'unit au son qui en épouse le contour,
créant du rythme.

Mona Azzam


Citoyenne du monde, née en Côte d'ivoire,
Mona Azzam est professeur de lettres modernes
et passionnée de littérature.


Soyez Bénis