mercredi 18 septembre 2024

Sur la Pivoine

 


Au secret des tentures jusqu’au sol déployées,
D’une balustrade vermeille un charme protégé,
Au cœur desquels ainsi seul s’incarne un reste de printemps.

Air superbe frêle stature,
Toute délicate et gracieuse sa nature apparaît.
Elle patiente que la foule des fleurs soient passée,
D’une bourrasque la rosée à l’aube la pare d’une toilette nouvelle.

En grâce et séduction nouvelle superbe apparence,
Jalousie du vent, sourire de la lune,
Longtemps, elle préserve le sacre du printemps.

Du côté des remparts orientaux,
Sur les chemins méridionaux,
A l’aplomb du soleil elle colore bassins et résidences,
Se bousculent pour s’y rendre les voitures parfumées.

Sur les sièges satinés des convives en ces jours dissipés,
Qui pourra en préserver le pollen odorant ?
On la préférait dans le lustre éclatant du palais impérial,
Quelques tiges d’abord auprès de ce soleil étalées.

Les coupes d’or vidées,
On a consumé jusqu’au bout les chandelles,
Sans se soucier du crépuscule.

Lǐ Qīng Zhào (1084 après 1149) :
Sur l
air de « Célébration du matin clair, avec lenteur
»


Li Qingzhao, née en 1084, morte vers 1155, est une poétesse chinoise de l’époque de la dynastie Song. Elle est considérée comme l'un des maîtres du poème chanté.

Date/Lieu de naissance : 13 mars 1084, QI Prefecture

Date de décès : 12 mai 1155, Xian de Lin’an 

Époux : Zhao Mingcheng 

Li Qingzhao, une grande Dame de la littérature chinoise

Héritière d’une tradition d’expression poétique plus que millénaire, très abondante et de grande qualité. Son lyrisme même est issu du développement d’une nouvelle forme prosodique, « poème à chanter » ou odelette à vers irréguliers, qui a permis aux écrivains de l’époque des Song de donner libre cours à la manifestation plus personnelle de leurs sentiments, le plus souvent en tonalités élégiaques ; forme poétique aussi dont le grand écrivain Su Dongpo venait, à la génération précédente, d’étendre la thématique et de diversifier le style. De tout ceci, la femme cultivée, savante même, qui a écrit les textes qui suivent et souvent les mélodies qui les accompagnaient, n’était pas seulement familière : c’en était un expert. Pourtant, son œuvre tranche sur tout ce qui précède – par la langue, par les images, par les thèmes, par l’inspiration. Elle tranchera aussi, il faut bien l’admettre, sur tout ce qui suivra dans le domaine chinois : elle ne trouvera vraiment d’écho que beaucoup plus tard, dans notre poésie, que son histoire propre conduira indépendamment dans les mêmes parages quand elle devint moderne, à partir du milieu du XIXème siècle. La grande poétesse chinoise apparaît donc surtout dans l’histoire littéraire de sa civilisation comme un grand auteur singulier.

Née dans une famille aristocratique et cultivée à Jin Nan, dans l’actuel Shandong. Son père est fonctionnaire au Bureau des Rites, sa mère est elle-même une poétesse remarquée. Elle bénéficie ainsi d’une éducation à la fois approfondie et ouverte, et manifeste dès l’adolescence des dons exceptionnels de composition poétique qui lui valent déjà une certaine notoriété ; elle sait aussi peindre, composer de la musique et chanter. Elle épouse en 1101 à dix-huit ans un jeune lettré lauréat des concours, Zhao Mingcheng, passionné d’épigraphie et de poésie, dont le père deviendra premier ministre, et qui se trouve employé à Kaifeng, la capitale des Song.

Mais l’attaque des Jin en 1126 les contraint à s’enfuir vers le sud où elle perd son époux.
Elle passera la fin de sa vie dans l’errance et la pauvreté. On ne connaît même pas la date de sa mort : les indications varient largement d’un ouvrage à l’autre.

Durant sa vie sept volumes de poèmes réguliers et de prose, et la partie la plus remarquable de son œuvre : six volumes, odes à vers irréguliers. De tout ceci, il ne nous est parvenu que quelques lambeaux. De l’œuvre en prose, trois textes : le bref traité sur les odes, la postface au Catalogue des inscriptions sur pierre et bronze, et une lettre. De l’œuvre poétique, outre quelques fragments de vers isolés, une quinzaine de et une cinquantaine de . Ce sont ces derniers dont on trouvera la quasi-intégralité ci-contre.

vendredi 6 septembre 2024

Pouvoir Créateur


° Douce poésie !
Le plus beau des arts !
Toi qui, suscitant en nous le pouvoir créateur,
nous met tout proches de la divinité.°

•★•

~ Guillaume Apollinaire ~

Support ; Danny Hahlbohm

samedi 24 août 2024

La Nudité et le Corps

 


La théologie médiévale distinguait en morale quatre significations symboliques de la nudité : nuditas naturalis, l’état naturel de l’homme, qui engage à l’humilité ; nuditas temporalis, le manque de biens terrestres, qui peut être volontaire (comme chez les Apôtres ou les moines), ou provoqué par la pauvreté ; nuditas virtualis, symbole d’innocence (de préférence une innocence acquise au moyen de la confession) ; et nuditas criminalis, signe de débauche, de vanité, d’absence de toutes les vertus.

« Nuditas naturalis » figure en des scènes de la Genèse, en des Jugements derniers, en des représentations d’âmes quittant leurs corps et de sauvages (outre, bien sûr, les scènes de martyre et les illustrations scientifiques).

La nuditas naturalis est présente dans le Jeu d’Adam et dans les écrits de l’abbesse Hrotsvita. La nudité d’Adam et Eve doit évidemment être considérée comme un état positif puisqu’elle concerne les premiers humains encore libres du péché originel. C’est sans doute pourquoi le texte insiste sur la magnificence du costume qui symbolise cette nudité, en contraste fort avec celui que les personnages revêtent ensuite. Figura qui parle pour Dieu, insiste sur cette déchéance :

Ici avront les cors eissil,
Les aimes en emfern peril.
(v. 507-508)

Ici devant Eissil,
Les objectifs en péril.

Les corps se montrent mal à l’aise dans le monde terrestre où Adam et Eve se voient désormais confinés. Le contraste est d’autant plus saisissant quand l’ange apparaît alors sur scène :

Intérim veniet angelus albis indutus, ferens radientem gladium in manu, quem statuet Figura ad portam paradisi.

Pendant ce temps, un ange viendra vêtu de blanc, portant une épée brillante à la main, qu'il dressera en figure à la porte du paradis.

Dans les textes de Hrotsvita au contraire, la palme du martyre revient aux jeunes filles sacrifiées et blessées dans leur corps :

Ideo rogamus solui retinacula animarum, quo extinctis corporibus tecum plaudant in aethere nostri spiritus. Melius est ut corpus quibuscumque iniuriis maculentur, quam anima idolis polluantur.

C'est pourquoi nous ne demandons qu'aux réseaux d'âmes, afin que nos esprits puissent applaudir avec vous dans l'éther avec leurs corps éteints. Il vaut mieux que le corps soit souillé par toutes sortes d'injures, plutôt que l'âme soit souillée par des idoles.

Dans ce cas, le corps est d’emblée présenté comme négatif, opposé à une âme (spiritus ou anima) positive. On comprend dès lors combien il doit demeurer caché par des vêtements que même le feu ne parvient pas à effacer : la nudité ne serait qu’une représentation extrême du corps vicié, une nuditas criminalis selon les termes d’Erwin Panofsky.

En fait, ce type de nudité n’est jamais mentionné dans les textes, même pour des personnages négatifs : leurs propos ou leurs gestes suffisent aux yeux des spectateurs. De même, la nuditas temporalis reste a priori négative dans les drames liturgiques mais elle ne se manifeste jamais par une dénudation (fût-elle métaphorique) du corps.

Ne reste donc que la nuditas virtualis, « symbole d’innocence », précisément celle que le personnage du Christ incarne dans les textes, d’où leur insistance sur les pieds nus du personnage : d’après la théologie chrétienne, c’est effectivement par le Christ que l’humanité retrouve sa pureté originelle, par lui le corps est réhabilité. C’est précisément ce qu’annoncent les prophètes du Jeu d’Adam, comme ici Jérémie :

Ovec vus serra, cum homme mortals,
Li sires, le celestials.
Adam trara de prison,
Son cors dorra por rançon.
(v. 873-876)

Tu as vu des moutons, tels des hommes mortels
Les pères, les célestes.
Adam sortira de prison,
Son cœur souffre de rançon.

Avec la réhabilitation du corps par le Christ même, qui en fait un instrument du salut pour l’humanité, la question du vêtement ne se pose plus dans les mêmes termes. Après la Résurrection, l’innocence retrouvée permet les représentations du Christ en partie dénudé et, bien que cette pureté retrouvée reste très dépendante du phénomène de « refoulement » dont Leo Steinberg a parlé, l’absence (très partielle) de vêtement désigne un principe supérieur.

Le théâtre naissant met en place une série de conventions dramatiques, en particulier celles qui concernent la mise en scène du corps, les acteurs et leur costume. Ce premier théâtre, issu de l’Eglise et souvent d’abord en latin, rend compte de la complexité du message chrétien. La vision de la nudité y est moralement condamnable bien que l’Incarnation du Christ et la promesse de la résurrection des corps lui redonnent parfois son innocence première, mais dans tous les cas, elle n’apparaît que discrètement, souvent voilée par des vêtements qui la signifient.

Hrotsvita de Gandersheim


930 et 935 – après 973

Religieuse de Saxe, Hrotsvita de Gandersheim (entre 930 et 935 – après 973) écrit en latin des œuvres spirituelles ou historiques, et six des rares pièces de théâtres composées au Moyen Âge. Elle est considérée comme la première autrice germanique.

La vie de Hrotsvita de Gandersheim est mal connue, les principales sources en étant ses propres écrits. Concernant sa date de naissance, elle indique ainsi dans son poème historique « Carmen de Primordiis Coenobii Gandersheimensis » qu’elle vient au monde longtemps après le décès du duc de Saxe Otton Ier de Saxe, mort en 912. Sa naissance est estimée entre 930 et 935, au sein d’une famille de la noblesse saxonne. Elle naît dans le duché de Saxe, au sein du royaume de Germanie.

Instruite et cultivée, Hrotsvita est peut-être formée aux côtés de Brunon, petit frère du roi de Germanie Otton, qui deviendra le premier empereur du Saint-Empire romain germanique. Elle est l’élève de Gerberge, fille du duc Henri de Bavière, qui devient abbesse de l’abbaye de Gandersheim en 949, aujourd’hui en Basse-Saxe en Allemagne. À l’époque, l’abbaye, comprenant un lieu d’accueil des voyageurs, un hôpital, une bibliothèque et une école, est un véritable lieu de savoir et de diffusion de la culture ; de nombreuses familles nobles y envoient leurs enfants afin qu’ils y soient éduqués.

Ses écrits laissent supposer qu’elle ne prend pas le voile immédiatement, mais qu’elle possède une certaine expérience de la vie laïque. Quoiqu’il en soit, Hrotsvita commence ses premières œuvres littéraires dans les années 950 – 960. À la demande d’abbesse Gerberge, elle rédige la Gesta Oddonis, une source très importante sur le règne des rois germaniques Ottoniens depuis 919.

Hrotsvita de Gandersheim travaille également à retracer l’histoire de l’abbaye, fondée en 852 par le comte de Saxe Liudolf et sa femme Oda après un pèlerinage à Rome. En plus de six cents vers, les Primordia coenobii Gandeshemensis s’attachent à valoriser l’abbaye, face à la montée de sa rivale voisine de Quedlinbourg. La religieuse compose également des vies de saints, tels que Agnès de Rome, Pélage de Cordoue ou encore Denis de Paris. Divisant son œuvre en trois livres, Hrotsvita compile ses hagiographies dans son Livre des légendes, intégré à son Liber Primus (Livre Premier).

Au sein de l’œuvre de Hrotsvita de Gandersheim, la plus grande originalité réside dans ses pièces de théâtre, GallicanusDulcitiusCallimachusAbrahamPaphnutius et Sapientia. Inspirée par le poète antique Térence, qu’elle a lu pendant ses études à l’abbaye, Hrotsvita s’approprie un genre presque oublié depuis l’Antiquité. Mettant en scène des héroïnes plutôt attachantes, elle parle d’amour et de chasteté, de miracles et d’interventions divines, avec un ton parfois humoristique et étonnamment moderne.

Hrotsvitha sait que, en tant que femme, son œuvre sera moins prise au sérieux que si elle émanait d’un homme. Elle-même ne semble pas remettre en question l’opinion de son temps, voulant que les femmes soient moins aptes à l’écriture que les hommes. Pour appuyer sa légitimité d’autrice, elle fait valoir qu’elle est une exception, inspirée par Dieu. Elle indique qu’elle « met de côté la faiblesse féminine et invoque dans son cœur prudent une force virile ».

On ne connait pas plus les circonstances ou la date de la mort de Hrotsvita de Gandersheim que celle de sa naissance ; elle meurt en tous cas après 973. Ses œuvres sont oubliées au Moyen Âge, puis redécouvertes et rééditées vers 1494. Considérée comme la première écrivaine germanique, elle fait partie des rares autrices du Moyen Âge.

 

"Une prière fervente est plus efficace que toute la présomption humaine."

Hrotsvita de Gandersheim - Gallicanus (Xe s. ap. J.-C.)

Sources ; https://histoireparlesfemmes.com/

Soyez Bénis