jeudi 14 novembre 2024

Tanka Immortel

 


Pensant à lui,
Je me suis endormie
Et l’ai vu apparaitre
Si j’avais su que ce n’était qu’un rêve,
Je n’aurais jamais dû me réveiller.

✾✾✾

Je suis si seul
Mon corps est une herbe flottante
Coupée à la racine.
S’il y avait de l’eau pour me séduire,
je la suivrais, je pense.

✾✾✾

Comment invisiblement
elle change de couleur
dans ce monde,
la fleur
du cœur humain.

✾✾✾

Les coloris des fleurs
ont bel et bien passé
En pure perte
ma vie coule en ce monde
dans le temps d’une longue averse

✾✾✾

Les fleurs fanées
Leur couleur s’est estompée,
Alors que sans signification
Je passais mes journées à ruminer,
Et les longues pluies tombaient.

✾✾✾

Ono no Komachi



Nationalité : Japon
Né(e) le : vers 825
Mort(e) le : vers +/- 900


Le destin d’Ono no Komachi, poétesse immortelle du Japon

Parmi les femmes importantes ayant marqué l’histoire du Japon, existe une poétesse dont l’influence a traversé les siècles, afin de nous enivrer de son art subtil et délicat, empreint à la fois de mélancolie, mais aussi d’érotisme.  Considérée comme l’une des Rokkasen (六歌仙), à savoir les six poètes dont l’œuvre restera immortelle pour les Japonais qui évoluèrent tous à la même période, autour du IXeme siècle durant l’ère Heian (平安時代, Heian-jidai, 794-1185). C’est précisément à cette époque que la poésie japonaise prendra une nouvelle tournure avec l’apparition des Waka (和歌), et de sous-genre le Tanka (短歌), dont l’œuvre d’Ono no Komachi reste à l’heure actuelle l’une des plus emblématiques.

Sa naissance se situerait aux alentours de 820-830 après J.-C. dans l’actuelle préfecture d’Akita, dans le nord du Japon. Les légendes louent sa beauté que l’on disait exceptionnelle. Jusqu’à notre époque, il est dit au Japon que de tout l’archipel, ce sont les femmes d’Akita les plus belles, au point d’avoir même un terme pour les décrire : les « Akita bijin » (秋田美人) caractérisées par leurs visages ronds, leurs voix aiguës et leur peau claire, qui nous, le rappelons, est un véritable synonyme de beauté sous ces latitudes à l’époque, en attestent les nombreuses jeunes femmes porteuses d’ombrelles dépeintes dans les Ukiyo-e antiques et dont vous pouvez même encore croiser le chemin aujourd’hui. Notre poétesse du jour pourrait bien en être l’ambassadrice.

La légende l’entourant lui confère une armée de courtisans, tentant de s’arracher le cœur de la belle lettrée, qu’elle n’hésitait pas à malmener plus ou moins au gré de ses désirs. L’histoire la plus connue est celle de Fukakusa no Shōshō, un courtisan de haut rang tombé éperdument amoureux d’Ono no Komachi. Mais celle-ci, bien qu’à son tour charmée par le beau et vigoureux jeune homme, lui proposa un défi auquel il devrait se tenir sans faillir afin d’obtenir le privilège de devenir son amant : celui-ci devait venir lui rendre visite durant 100 nuits, sans jamais discontinuer et ce qu’il pleuve, qu’il neige où qu’il vente. Évidemment, sans jamais poser les mains sur elle, au risque de tout perdre. Conquérir une si élégante dame ne doit pas être tâche facile !

Et voici que notre prétendant s’attelle minutieusement à ses travaux Herculéens durant des jours et des nuits, sans jamais faillir à sa promesse ! Mais les choses n’allaient pas se passer comme dans un conte de fées. Par un malheureux jeu du sort, lors de la 99e nuit, le destin frappa notre amoureux éperdu. Ses escapades nocturnes, pour aller conter ritournelle à sa belle au si doux regard, se soldèrent par sa mort aussi tragique que soudaine, enseveli sous la neige.

On dit que la poétesse ne se serait jamais remise de cette perte atroce. Peut-être même ce cœur brisé alimenta son talent pour l’écriture. Cette histoire est rapportée dans une pièce de Nō s’intitulant « Kayoi Komachi »(通小町). Un classique japonais.

La légende raconte qu’elle mourut à un âge très avancé, autour des cent ans. Comme une punition pour son comportement odieux envers ses courtisans, Ono no Komachi eut à subir durement les affres de la vieillesse et la décrépitude de sa beauté s’évanouissant au gré des saisons et du temps passant inexorablement. Elle aurait fini ses jours, errante en guenille, demandant l’aumône par ci, par-là, mais surtout moquée de tous ceux qui croisaient cette pathétique vieille dame errante autrefois si vaniteuse. Ceux-là ne savaient donc t’ils pas qu’ils se moquaient d’une future légende ?

Le Tanka est caractérisé par ses règles très strictes : il se construit traditionnellement sur 5 lignes, suivant une structure en 31 syllabes ou sons, séparés d’une première partie en tercets (2 vers) en 5-7-5 syllabes (17 mores), et d’une deuxième, diptyque (2 vers) en 7-7 syllabes (14 mores), qui peuvent dans certains cas être inversés. Enfin, le tout suit une logique d’expression extrêmement codifiée : la première partie pose le contexte, et la deuxième exprime le ressenti du poète, bien que cette règle peut être transgressée ponctuellement.


Source ; https://japanization.org/

jeudi 10 octobre 2024

L'art du Mot


"Il est un art - l'art du mot

Qui ne connaît pas de limites :

la poésie."

Ivan Gontcharov, écrivain russe


mercredi 18 septembre 2024

Sur la Pivoine

 


Au secret des tentures jusqu’au sol déployées,
D’une balustrade vermeille un charme protégé,
Au cœur desquels ainsi seul s’incarne un reste de printemps.

Air superbe frêle stature,
Toute délicate et gracieuse sa nature apparaît.
Elle patiente que la foule des fleurs soient passée,
D’une bourrasque la rosée à l’aube la pare d’une toilette nouvelle.

En grâce et séduction nouvelle superbe apparence,
Jalousie du vent, sourire de la lune,
Longtemps, elle préserve le sacre du printemps.

Du côté des remparts orientaux,
Sur les chemins méridionaux,
A l’aplomb du soleil elle colore bassins et résidences,
Se bousculent pour s’y rendre les voitures parfumées.

Sur les sièges satinés des convives en ces jours dissipés,
Qui pourra en préserver le pollen odorant ?
On la préférait dans le lustre éclatant du palais impérial,
Quelques tiges d’abord auprès de ce soleil étalées.

Les coupes d’or vidées,
On a consumé jusqu’au bout les chandelles,
Sans se soucier du crépuscule.

Lǐ Qīng Zhào (1084 après 1149) :
Sur l
air de « Célébration du matin clair, avec lenteur
»


Li Qingzhao, née en 1084, morte vers 1155, est une poétesse chinoise de l’époque de la dynastie Song. Elle est considérée comme l'un des maîtres du poème chanté.

Date/Lieu de naissance : 13 mars 1084, QI Prefecture

Date de décès : 12 mai 1155, Xian de Lin’an 

Époux : Zhao Mingcheng 

Li Qingzhao, une grande Dame de la littérature chinoise

Héritière d’une tradition d’expression poétique plus que millénaire, très abondante et de grande qualité. Son lyrisme même est issu du développement d’une nouvelle forme prosodique, « poème à chanter » ou odelette à vers irréguliers, qui a permis aux écrivains de l’époque des Song de donner libre cours à la manifestation plus personnelle de leurs sentiments, le plus souvent en tonalités élégiaques ; forme poétique aussi dont le grand écrivain Su Dongpo venait, à la génération précédente, d’étendre la thématique et de diversifier le style. De tout ceci, la femme cultivée, savante même, qui a écrit les textes qui suivent et souvent les mélodies qui les accompagnaient, n’était pas seulement familière : c’en était un expert. Pourtant, son œuvre tranche sur tout ce qui précède – par la langue, par les images, par les thèmes, par l’inspiration. Elle tranchera aussi, il faut bien l’admettre, sur tout ce qui suivra dans le domaine chinois : elle ne trouvera vraiment d’écho que beaucoup plus tard, dans notre poésie, que son histoire propre conduira indépendamment dans les mêmes parages quand elle devint moderne, à partir du milieu du XIXème siècle. La grande poétesse chinoise apparaît donc surtout dans l’histoire littéraire de sa civilisation comme un grand auteur singulier.

Née dans une famille aristocratique et cultivée à Jin Nan, dans l’actuel Shandong. Son père est fonctionnaire au Bureau des Rites, sa mère est elle-même une poétesse remarquée. Elle bénéficie ainsi d’une éducation à la fois approfondie et ouverte, et manifeste dès l’adolescence des dons exceptionnels de composition poétique qui lui valent déjà une certaine notoriété ; elle sait aussi peindre, composer de la musique et chanter. Elle épouse en 1101 à dix-huit ans un jeune lettré lauréat des concours, Zhao Mingcheng, passionné d’épigraphie et de poésie, dont le père deviendra premier ministre, et qui se trouve employé à Kaifeng, la capitale des Song.

Mais l’attaque des Jin en 1126 les contraint à s’enfuir vers le sud où elle perd son époux.
Elle passera la fin de sa vie dans l’errance et la pauvreté. On ne connaît même pas la date de sa mort : les indications varient largement d’un ouvrage à l’autre.

Durant sa vie sept volumes de poèmes réguliers et de prose, et la partie la plus remarquable de son œuvre : six volumes, odes à vers irréguliers. De tout ceci, il ne nous est parvenu que quelques lambeaux. De l’œuvre en prose, trois textes : le bref traité sur les odes, la postface au Catalogue des inscriptions sur pierre et bronze, et une lettre. De l’œuvre poétique, outre quelques fragments de vers isolés, une quinzaine de et une cinquantaine de . Ce sont ces derniers dont on trouvera la quasi-intégralité ci-contre.

Soyez Bénis